Dataset / Tabular

Enquête Démographique et de Santé 1992 (Rwanda)

Abstract

L'Enquête Démographique et de Santé au Rwanda (EDSR) a été exécutée par l'Office National de la Population (ONAPO) avec l'assistance technique de Macro International Inc. Il s'agit d'une enquête par sondage réalisée au niveau national, dont l'objectif est de fournir des informations détaillées sur la fécondité, la planification familiale, la santé de la mère et de l'enfant et la mortalité infanto-juvénile. Faisant suite à l'Enquête Nationale sur la Fécondité (ENF) réalisée par I'ONAPO en 1983 et au Recensement Général de la Population et de l'Habitat (RGPH) de 1991, les résultats de I'EDSR permettent de mettre en lumière les changements intervenus au Rwanda durant ces dernières années, en particulier en ce qui concerne les niveaux de fécondité, de connaissance et d'utilisation de la planification familiale et ceux de mortalité infanto-juvénile. Au cours de I'EDSR, dont les travaux de collecte se sont déroules de juin à octobre 1992, 6 252 ménages, 6 551 femmes en âge de procréer (15-49 ans) et 598 maris appartenant à ces ménages ont été enquêtes avec succès sur l'ensemble du territoire national.

L'EDSR est une enquête par sondage dont l'objectif principal est de recueillir, à l'échelle nationale, des données fiables et de qualité permettant de :

- calculer certains taux démographiques et, plus particulièrement, les taux de fécondité et de mortalité infantile ;
- analyser les facteurs qui déterminent le niveau et les tendances de la fécondité et de la mortalité ;
- estimer les niveaux de connaissance et de pratique de la contraception chez les femmes en åge de procréer et chez leur mari ;
- connaître les préférences en matière de fécondité et l'attitude envers la planification familiale des femmes et de leur mari ;
- évaluer la situation de la santé maternelle et infantile en ce qui concerne les vaccinations, la prévalence et le traitement de la diarrhée et des maladies respiratoires, les pratiques d'allaitement, les soins prénatals et l'assistance à l'accouchement ;
- évaluer l'état nutritionnel des enfants de moins de 5 ans à partir des mesures anthropométriques.

Grâce à l'expérience acquise par les cadres durant I'EDSR, ce projet vise également h renforcer les capacités du Rwanda, en général, et de I'ONAPO, en particulier, pour réaliser des études similaires dans le futur.

PRINCIPAUX RESULTATS

Avec les niveaux actuels de la fécondité, les femmes rwandaises donneront naissance, en moyenne, à 6,2 enfants durant leur vie féconde. Bien que cette fécondité reste élevée, elle a fortement diminué au cours des dernières années puisque, selon I'ENF de 1983, les femmes avaient, en moyenne, 8,5 enfants. La fécondité a donc connu une baisse de 27 pour cent en moins de 10 ans. La forte proportion de femmes célibataires, le recul de l'âge au premier mariage et aux premiers rapports sexuels et l'augmentation de la prévalence contraceptive sont autant de facteurs qui expliquent cette baisse. En outre, les niveaux de fécondité varient fortement en fonction de la résidence et du niveau d'instruction. Les femmes du milieu urbain (4,5 enfants) donnent naissance à près de deux enfants de moins que les femmes du milieu rural (6,3 enfants). Les femmes ayant dépassé le niveau d'instruction primaire (4,3 enfants) ont, en moyenne, plus d'un enfant de moins que celles ayant seulement un niveau d'instruction primaire (5,9 enfants), et près de trois enfants de moins que celles qui n'ont jamais fréquenté l'école (7,0 enfants). Du point de vue régional, la fécondité varie d'un minimum de 5,2 enfants dans les préfectures de Butare/Gitarama à un maximum de 7,2 dans les préfectures de Kibuye/Ruhengeri/Gisenyi.

Au moment de l'enquête, 10 pour cent des adolescentes de 15-19 ans avaient déjà eu, au moins, un enfant ou étaient enceintes pour la première fois. En outre, cette proportion d'adolescentes ayant commencé leur vie féconde varie fortement selon la région (de 7 pour cent à Butare/Gitarama, à 16 pour cent à Byumba/Kibungo), et selon le niveau d'instruction (de 3 pour cent chez les adolescentes ayant dépassé le niveau d'instruction primaire, à 22 pour cent chez celles sans instruction). Ce sont les catégories de femmes chez lesquelles se rencontrent ces fortes proportions d'adolescentes mères ou enceintes qui ont les niveaux les plus élevés de fécondité.

Parmi les femmes enquêtées, la proportion des célibataires est importante : 32 pour cent ont déclaré n'avoir jamais été en union. De même, on observe une forte proportion de femmes en rupture d'union, soit par veuvage (4 pour cent), soit par divorce ou séparation (6 pour cent). Ainsi, au total, 42 pour cent des femmes de 15-49 ans n'étaient pas en union au moment de l'enquête. A 20-24 ans, 45 pour cent des femmes sont encore célibataires, et l'âge médian d'entrée en union est de plus en plus tardif : il est passé de 18,7 ans chez les femmes des générations les plus anciennes, âgées de 45-49 ans à l'enquête, å 20,9 ans chez celles de 25-29 ans. De même, dans les générations récentes âgées de 25-29 ans à l'enquête, les premiers rapports sexuels se produisent plus tardivement (médiane de 20,2 ans) que dans les générations anciennes (médiane de 18,4 ans). Ces changements de comportement en matière d'union et de rapports sexuels expliquent, en grande partie, la baisse de la fécondité observée récemment.

Depuis I'ENF (1983), la connaissance de la contraception s'est très nettement améliorée : 67 pour cent de femmes connaissaient une méthode quelconque de contraception en 1983, contre 98 pour cent en 1992 pour les seules méthodes modernes. En outre, parmi les femmes en union qui déclarent connaitre une méthode, 92 pour cent savent où se la procurer. Plus d'une femme sur cinq utilisait la contraception au moment de l'enquête. Parmi les méthodes modernes, les injections (8 pour cent) et la pilule (3 pour cent) sont les plus utilis6es; parmi les méthodes traditionnelles, c'est la continence périodique (5 pour cent) et le retrait (3 pour cent) qui sont les plus pratiquées. Le condom reste très peu utilise (moins de 1 pour cent). Depuis 1983, la pr6valence contraceptive a fortement augmenté, en particulier pour les méthodes modernes, passant de 1 à 13 pour cent. Le développement de la contraception, et surtout des méthodes modernes, est un autre facteur important expliquant la baisse de la fécondité observée récemment.

Comme pour la fécondité, les niveaux d'utilisation de la contraception varient selon le milieu de résidence et le niveau d'instruction : 13 pour cent des femmes du milieu rural utilisent une méthode moderne contre 20 pour cent en milieu urbain. De même, l'utilisation de la contraception moderne varie de 11 pour cent chez les femmes sans instruction à 28 pour cent chez celles qui ont un niveau d'instruction supérieur au primaire. Cependant, 93 pour cent des femmes en union qui connaissent une méthode contraceptive approuvent la planification familiale, et la diffusion d'informations à ce sujet dans les média est approuvée par 95 pour cent.

Plus d'un tiers des femmes rwandaises en union et plus d'un tiers de leur mari partagent le même désir de limiter leur descendance : ils ont exprimé le souhait de ne plus avoir d'enfants. Si toutes les grossesses non désirées étaient évitées, la fécondité totale serait de 4,2 enfants, soit 2 enfants de moins que la fécondité actuelle. Ce niveau de fécondité désirée (4,2 enfants) correspond également au nombre idéal d'enfants exprimé par les femmes et leurs matis. On estime que 40 pour cent des femmes en union ont des besoins non-satisfaits en matière de planification familiale. Si ces besoins étaient satisfaits, la prévalence contraceptive pourrait atteindre 62 pour cent. Ces résultats laissent présager que la baisse de la fécondité amorcée se poursuivra dans les années à venir.

L'EDSR fournit aussi un ensemble d'informations très importantes sur la santé de la mère et de l'enfant ainsi que sur l'état nutritionnel des enfants.

Concernant les soins prénatals, on constate que, quelles que soient les caractéristiques de la mère, 92 à 99 pour cent des naissances des cinq années ayant précédé l'enquête ont donné lieu à des consultations prénatales. Par ailleurs, dans 9 cas sur 10, la mère a reçu au moins une injection antitétanique pendant la grossesse. Cependant, trois naissances sur quatre ont lieu à la maison et une naissance sur cinq se déroule sans l'assistance de professionnels de la santé. En outre, on constate d'énormes différences du point de vue du niveau d'instruction de la mère et du milieu de résidence : 67 pour cent des naissances du milieu urbain ont lieu en formation sanitaire contre 23 pour cent en milieu rural, et 65 pour cent des naissances des femmes ayant une instruction supérieure au primaire se sont d6roulées avec l'assistance de professionnels de la santé, contre seulement 18 pour cent des naissances chez les femmes sans instruction.

D'après les déclarations des mères et selon les renseignements tirés des carnets de vaccination, la grande majorité des enfants de 12-23 mois (87 pour cent) ont reçu tous les vaccins du Programme Elargi de Vaccination (PEV) et, pour 83 pour cent des enfants, ces vaccinations ont été faites conformément au calendrier vaccinal recommandé par l'OMS. Cette couverture vaccinale est assez uniformément répartie selon le milieu de résidence, la région et le niveau d'instruction puisqu'elle ne varie que de 83 à 95 pour cent selon les différents groupes de mères.

En ce qui concerne les maladies de l'enfance, 33 pour cent des enfants de moins de cinq ans ont présenté des sympt0mes d'infections respiratoires aiguës (toux et respiration courte et rapide), 42 pour cent ont eu de la fièvre et 23 pour cent ont eu un ou plusieurs épisodes diarrhéiques, pendant les deux semaines qui ont précédé l'enquête. Quelle que soit la maladie, moins d'un tiers des enfants ont été conduits en consultation lorsqu'ils étaient malades. En outre, environ 3 enfants sur 10 n'ont reçu aucun traitement pendant leur maladie; pour ceux qui ont reçu un traitement, il s'agissait le plus fréquemment de remèdes traditionnels. Parmi les enfants atteints de diarrhée, la moitié d'entre eux n'a bénéficié d'aucune forme de réhydratation par voie orale, alors que la grande majorité des femmes connaissent les sels de réhydratation orale (85 pour cent).

La quasi totalité des enfants rwandais nés au cours des cinq années ayant précédé l'enquête ont été allaités (97 pour cent), et cela sur une longue période, puisque un enfant sur deux est allaité pendant pr~s de 28 mois. Cependant, seulement 18 pour cent des enfants sont mis au sein immédiatement après la naissance. En outre, contrairement aux recommandations de l'OMS selon lesquelles un enfant ne doit recevoir rien d'autre que le sein jusqu'à 4-6 mois, un enfant sur trois reçoit des compléments nutritionnels à l'âge de 4-5 mois. A l'opposé, parmi les enfants de 6-7 mois pour lesquels le lait maternel seul n'est plus suffisant à leur alimentation, un sur trois ne reçoit pas d'aliment de complément.

Près de la moitié des enfants rwandais de moins de cinq ans souffrent de sous-nutrition chronique qui se manifeste par un retard de croissance. Cette forme de sous-nutrition augmente avec l'âge pour atteindre 54 pour cent des enfants de 12-23 mois et pour se maintenir ensuite autour de 50 à 60 pour cent. Par ailleurs, 7 pour cent des enfants de 12-23 mois souffrent de sous-nutrition aiguë qui se manifeste par l'émaciation.

Malgré des résultats très satisfaisants dans le domaine des soins prénatals et de la vaccination des enfants, la forte prévalence des maladies de l'enfance et leur manque de traitement explique que la mortalité des enfants rwandais reste toujours élevée. Sur mille enfants qui naissent vivants, 85 décèdent avant le premier anniversaire, et sur mille enfants qui atteignent un an, 72 meurent avant d'atteindre 5 ans. Globalement, la mortalité infanto-juvénile touche 150 enfants pour mille naissances vivantes. Ces niveaux de mortalité ont néanmoins nettement diminué au cours des 15 dernières années : depuis la fin des années 1970, où elle était estimée ~t 225 pour mille, la mortalité infanto-juvénile aurait baissé de 44 pour cent.

Les niveaux de mortalité présentent d'assez faibles variations selon le milieu de résidence des mères, la mortalité infanto-juvénile variant de 163 pour mille en milieu rural à 155 pour mille en milieu urbain. Par contre, les enfants de mères sans instruction courent près de deux fois plus de risques de décéder avant l'âge de 5 ans que ceux dont la mère a un niveau d'instruction supérieur au primaire. Par ailleurs, les enfants nés de mères très jeunes (moins de 20 ans) sont plus exposes å la mortalité infantile (121 pour mille) que ceux nés de mères plus âgées (90 pour mille ou moins); de même, les intervalles intergénésiques très courts sont associés à une mortalité infantile (159 pour 1 000) près de trois fois plus élevée que celle associée aux intervalles intergénésiques de quatre ans ou plus (57 pour mille). Ainsi, la fécondité précoce et des grossesses trop rapprochées contribuent au maintien d'une mortalité élev6ee parmi les enfants.