Dataset / Tabular

Enquête Démographique et de Santé 1996-1997 (Chad)

Abstract

L'enquête Démographique et de Santé au Tchad (EDST) a été exécutée par le Bureau Central du Recensement (BCR), Direction de la Statistique, des Études Économiques et Démographiques (DSEED) avec l'assistance technique de Macro International Inc. Il s'agit de la première enquête par sondage, réalisée au niveau national, dont les objectifs étaient de fournir des informations détaillées sur la fécondité, la planification familiale, la santé de la mère et de l'enfant, l'état nutritionnel des enfants de moins de cinq ans, la mortalité infanto-juvénile, la mortalité maternelle et sur la disponibilité des services communautaires. Ces informations donnent un éclairage de la situation démographique et sanitaire du Tchad.

Au cours de I'EDST, réalisée sur le terrain de décembre 1996 à juillet 1997, 6840 ménages, 7454 femmes en âge de procréer ( 15-49 ans) et 2320 hommes de 15-59 ans ont été enquêtés avec succès, avec des taux de couverture respectif de 98,7 %, 96,7 % et 94 %.

L'Enquête Démographique et de Santé du Tchad (EDST) vise à atteindre un certain nombre d'objectifs dont les principaux sont :
- recueillir des données à l'échelle nationale et par milieu de résidence permettant de calculer divers indicateurs démographiques, en particulier les taux de fécondité et de mortalité infantile et juvénile;
- mesurer le niveau de mortalité maternelle au niveau national;
- analyser les facteurs directs et indirects qui déterminent les niveaux et tendances de la fécondité, tels que les structures du mariage et l'utilisation de la contraception;
- identifier les catégories de femmes susceptibles d'avoir plus ou moins d'enfants et susceptibles d'utiliser la contraception;
- mesurer les taux de connaissance et de pratique contraceptive par méthode, selon diverses caractéristiques socio-démographiques des femmes et des hommes;
- analyser les facteurs directs et indirects qui déterminent les niveaux et tendances de la mortalité;
- recueillir des données détaillées sur les causes de décès des enfants de moins de cinq ans;
- recueillir des données détaillées sur la santé maternelle et infantile: visite prénatale, assistance à l'accouchement, allaitement, vaccinations, supplémentation en Vitamine A, prévalence et traitement de la diarrhée et d'autres maladies chez les enfants de moins de cinq ans;
- évaluer le niveau d'utilisation de sel iodé;
- déterminer l'état nutritionnel des mères et des enfants de moins de cinq ans au moyen des mesures anthropométriques (poids et taille);
- recueillir des données détaillées sur la connaissance, les opinions et attitudes des femmes et des hommes vis-à-vis des Maladies Sexuellement Transmissibles (MST) et du Sida.

De plus, I'EDST fournit des informations sur la disponibilité et l'accessibilité des services socio- économiques et sanitaires au niveau des communautés.

L'ensemble des données collectées constitue une base de données qui facilitera le suivi et l'évaluation ì long terme des programmes de Santé Maternelle et Infantile et du Bien-]~tre Familial au Tchad (SMI/BEF).
Enfin, la réalisation de cette enquête contribue au renforcement du cadre institutionnel et au renforcement des compétences des cadres nationaux nécessaires pour entreprendre la collecte et l'analyse de données démographiques, soeio-économiques et sanitaires.

PRINCIPAUX RESULTATS

La structure de la population par âge révèle une extrême jeunesse de la population du Tchad dont la moitié est âgée de moins de 15 ans. Par ailleurs, la répartition de cette population par milieu de résidence indique que la population tchadienne est essentiellement rurale : 76 % des personnes enquêtées vivent en milieu rural contre 24 % en milieu urbain.

La fécondité des femmes tchadiennes est l'une des plus élevée en Afrique : en fin de vie féconde, elles ont, en moyenne, 6,6 enfants. L'une des caractéristiques de cette fécondité est sa précocité : une femme sur deux donne naissance à son premier enfant ì 18,3 ans. Les résultats de l'enquête ont mis en évidence des variations du niveau de fécondité selon le milieu de résidence. Les femmes du milieu rural (6,8 enfants par femme) donnent naissance, en moyenne, à 1 enfant de plus que celles de N'Djaména (5,8) et à 0,5 enfant de plus que celles des Autres Villes (6,3).

Parmi les femmes de 15-49 ans, 78 % étaient mariées au moment de l'enquête et, à partir de 30 ans, moins de 1% des femmes étaient toujours célibataires : ainsi, le mariage qui demeure le cadre presque exclusif de la procréation, est quasi universel au Tchad. En outre, près de deux femmes mariées sur cinq (39 %) vivent en union polygame. L'âge d'entrée en union est très précoce : à 18 ans, près des trois quarts des femmes (73 %) sont déjà mariées et l'âge médian au premier mariage est de 15,8 ans. Les premiers rapports sexuels se produisent également très tôt (âge médian de 15, 5 ans). En outre, aucune tendance ne semble se dessiner dans le sens d'une modification de r âge d'entrée en union, même si les jeunes générations semblent se marier moins précocement que les générations les plus âgées (16,4 ans parmi les générations de 20-24 ans contre 15,6 ans parmi celles de plus de 40 ans). On constate d'autre part que le calendrier de la primo-nuptialité n'est guère influencé par le milieu de résidence (16,0 en urbain contre 15,8 ans en rural). Le niveau d'instruction, par contre, influe sur l'âge au premier mariage, les femmes sans instruction (15,7 ans) se mariant plus précocement que celles ayant un niveau d'instruction primaire (16,4 ans) et surtout que celles ayant un niveau d'instruction secondaire ou plus (18,0). Cette précocité des premiers rapports sexuels et du mariage expliquent la précocité de la fécondité.

Les hommes contractent leur première union à un âge plus tardif que celui des femmes, leur âge médian au mariage étant estimé à 22,6 ans. Cet âge médian au premier mariage est plus élevé à N'Djaména et dans les Autres Villes qu'en milieu rural. De même que chez les femmes, un niveau d'instruction élevé retarde l'entrée en union des hommes. De plus, la polygamie est relativement répandue puisqu'elle concerne un quart des hommes mariés.

Le niveau de connaissance contraceptive est extrêmement faible au Tchad : seulement 45 % des femmes et 72 % des hommes ont déclaré connaître une méthode de contraception. Les méthodes modernes sont mieux connues que les méthodes traditionnelles. En outre, très peu de femmes tchadiennes utilisent une méthode contraceptive (4 %). Les méthodes modernes sont utilisées par 1,2 % des femmes, essentiellement la pilule (0,6 % ) et le condom (0,3 %); quant aux méthodes traditionnelles ou populaires, 2,6 % des femmes y ont recours; la continence périodique est la méthode la plus utilisée (2,0). Les niveaux d'utilisation de la contraception varient fortement selon le milieu de résidence et le niveau d'instruction. A. N'Djaména, 11,8 % des femmes mariées utilisent la contraception et environ la moitié d'entre elles utilisent une méthode moderne (6,7 %), alors que la prévalence contraceptive n'est que de 2,7 % en milieu rural où les femmes utilisent surtout les méthodes traditionnelles/populaires (2,4 %). De même, 24 % des femmes ayant un niveau d'instruction secondaire ou plus utilisent une méthode de contraception, et surtout une méthode moderne (13 %), alors que la prévalence n'atteint pas 3 % parmi les femmes sans instruction. De même, les hommes vivant à N'Djaména (27,5 %) et ceux qui ont un niveau d'instruction secondaire ou plus (12,6 %) sont ceux qui ont la prévalence contraceptive la plus élevée.

Plus des trois quarts des femmes et des hommes n'ont pas l'intention d'utiliser la contraception dans l'avenir (79 %). Le désir d'enfants est la raison principale avancée par les hommes et les femmes (41% des femmes et 53 % des hommes) pour ne pas utiliser la contraception dans l'avenir. Les hommes et les femmes tchadiens restent attachés à une descendance nombreuse puisque pour les femmes, le nombre idéal d'enfants est de 8,3; il est de 13,4 enfants pour les hommes.

L'EDST fournit également un ensemble d'informations très importantes sur la santé et l'état nutritionnel de la mère et de l'enfant. Concernant les soins prénatals et les conditions d'accouchement, on constate que pour 32 % seulement des naissances des cinq dernières années, la mère a reçu des soins prénatals dispensées par du personnel formé; dans 31% des cas seulement, elle a reçu, au moins, une injection antitétanique pendant la grossesse; l'accouchement n'a eu lieu dans une formation sanitaire que pour 11% des naissances; un professionnel de la santé a assisté 24 % des accouchements et près d'une naissance sur trois s'est déroulée avec l'aide d'une accoucheuse traditionnelle non formée; en outre, 7 % des femmes ont accouché seule, sans aucune aide. D'autre part, on constate d'énormes différences du point de vue du niveau d'instruction de la mère et surtout du point de vue du milieu de résidence : pour 72 % des naissances, les mères de N'Djaména ont bénéficié de soins prénatals contre 64 % dans les Autres Villes et seulement 23 % en milieu rural. De même, à N'Djaména, 57 % des accouchements ont été assistés par des professionnels de la santé contre 45 % dans les Autres Villes et seulement 16 % en milieu rural.

La vaccination contre les maladies-cible du Programme Élargi de Vaccination (PEV), à savoir la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la polio, la rougeole et la fièvre jaune, est un facteur clé d'amélioration du taux de survie des enfants. D'après I'EDST, parmi les enfants de 12 à 23 mois qui, selon les recommandations de l'OMS, devraient être tous vaccinés contre les maladies-cible du PEV, 39 % seulement sont vaccinés contre la tuberculose, 20 % ont reçu les trois doses de DTCoq, 18 % les trois doses de polio, 23 % seulement sont vaccinés contre la rougeole et 20 % contre la fièvre janne. Seulement 1 enfant tchadien sur 10 a reçu toutes les vaccinations du PEV et, à l'opposé, plus de deux enfants sur cinq (44 %) n'ont reçu aucune de ces vaccinations. Ces taux de couverture vaccinale déjà très faibles au niveau national, masquent d'importantes disparités selon le milieu de tésidence et le niveau d'instruction des mères: en milieu rural, plus d'un enfant sur deux (51%) n'a reçu aucune vaccination; cette proportion est de 18 % dans les Autres Villes et de 17 % à N'Djaména. De même, 38 % des enfants dont la mère a un niveau d'instruction secondaire ou plus sont complètement vaccin~s, contre 17 % de ceux dont la mère a un niveau primaire et 8 % seulement de ceux dont la mère est sans instruction.

D'après les déclarations des mères, pendant les deux semaines ayant précédé l'enquête, 13 % des enfants de moins de 5 ans ont souffert de toux et de respiration courte et rapide, symptômes d'infections respiratoires aiguës; du point de vue de la résidence, les enfants vivant à N'Djaména ( 16 %) sont sensiblement plus touchés qu ceux du milieu rural (13 %) et que ceux des Autres Villes (10 %); 32 % des enfants ont souffert de fièvre qui peut, dans de nombreux cas, être un symptôme du paludisme; comme pour la toux, ce sont les enfants de N'Djaména qui sont les plus touchés; enfin, 22 % des enfants ont eu un ou plusieurs épisodes diarrh6iques et on ne constate pas de différence de prévalence selon les milieux d'habitat. Quelle que soit la maladie, seulement un enfant sur cinq (19 %) a été mené en consultation lorsqu'il était malade. Parmi les enfants ayant eu la diarrhée, un sur trois (33 %) n'a bénéficié d'aucune forme de Thérapie de Réhydratation par voie Orale ('FRO), alors que 66 % des femmes ont déclaré connaître les sachets de SRO.

La quasi-totalité des enfants tchadiens nés au cours des cinq années ayant précédé l'enquête (98 %) ont été allaités, mais une très faible proportion d'entre eux (24 %) ont été mis au sein dès la naissance. Alors que jusqu'à l'âge de 6 mois, tous les enfants ne devraient recevoir rien d'autre que le sein, dès 0-1 mois, 56 % des nouveau-nés reçoivent de l'eau en plus du lait et 39 % des compléments au lait maternel, ce qui affecte leur état nutritionnel et augmente leur risque de contracter des maladies infectieuses. En moyenne, et quelles que soient les caractéristiques de la m&e, les enfants sont allaités pendant environ 21,4 mois.

Deux enfants sur cinq (40 %) sont atteints d'un retard de croissance qui révèle un état de malnutrition chronique, et près de la moitié de ces enfants sont affectés par la forme sévère de cette malnutrition. Un enfant sur sept (14 %) est émacié, c'est-à-dire atteint de malnutrition aiguë. Cette situation nutritionnelle des enfants, déjà très préoccupante au niveau national, est encore plus alarmante au niveau de certaines sous- populations : ainsi, le retard de croissance atteint 42 % des enfants du milieu rural et en ce qui concerne la forme sévère de la malnutrition chronique, il y a environ deux fois plus d'enfants atteints en milieu rural qu'à N'Djaména; la prévalence de l'émaciation est beaucoup plus élevée dans les Autres Villes et en milieu rural qu'à N'Djaména (9 % contre 14 %).
Conséquence d'une situation sanitaire déficiente et d'un mauvais état nutritionnel, la mortalité des enfants tchadiens est l'une des plus élevée au monde. Sur mille enfants qui naissent, 103 décèdent avant le premier anniversaire et, 194 décèdent avant l'âge de 5 ans. Globalement, 1 enfant sur 5 décède entre la naissance et le cinquième anniversaire. Cette très forte mortalité qui semble n'avoir que peu évolué durant les quinze dernières années, ne présente que peu de différence entre les différents milieux de résidence, la mortalité infantile variant de 99 %o à N'Djaména et dans les Autres Villes à 113 %o en milieu rural; quant à la mortalité juvénile, elle ne présente pratiquement aucune variation (101%o en milieu urbain contre 103 %, en milieu rural). En outre, les résultats ont mis en évidence de fortes variations selon les caractéristiques des mères. La probabilité de mourir avant cinq ans des enfants survivants à 1 an est de 104 %~ quand leur mère n'a aucune instruction contre 93 %o lorsqu'il a fréquenté l'école.

Autre conséquence de cette situation sanitaire déficiente, les femmes courent un risque élevé de décéder par cause maternelle. Pour la période 1991-1997, parmi l'ensemble des décès de femmes en âge de procréation, 2 décès sur 5 (41%) étaient imputables à des causes maternelles. Pour la même période, on estime que le taux de mortalité maternelle se situait à environ 827 décès maternels pour 100 000 naissances : exprimé différemment, cela signifie qu'une femme court un risque de 1 sur 18 de décéder par cause maternelle durant sa vie féconde.

La majorité des hommes (88 %) ont entendu parler du sida contre 60 % des femmes. Or, un tiers des hommes (30 %) et près d'une femme sur deux (44 %) ne connaissent pas de moyens pour éviter de contracter cette maladie. De plus, seulement 13 % des hommes et 3 % des femmes ont déclaré utiliser le condom pour éviter de contracter le sida ou une autre MST au cours des rapports sexuels qu'ils ont eus dans les 2 mois précédant l'enquête.

Les résultats de l'enquête sur la disponibilité des services communautaires ont mis en évidence non seulement le manque de disponibilité de certaines infrastructures socio-économiques, mais aussi les difficultés d'accès à certains établissements du fait de l'éloignement et des temps de trajet importants. Ainsi, en milieu rural, la distance médiane qu'il faut parcourir pour atteindre une pharmacie est de 15,7 kilomètres; pour atteindre un hôpital public, la moitié des femmes du milieu rural doivent parcourir 70,5 kilomètres. De même, seulement un quart des Tchadiennes vivent à proximité d'un établissement de santé offrant des services de PF alors que près de la moitié (47 %) en sont très éloignées. En ce qui concerne les établissements de santé offrant des services de santé maternelle et infantile, on constate que 24 % des femmes mettent moins d'une demi-heure pour atteindre ce type d'établissement le plus proche mais que plus de la moitié des femmes (51%) ont une durée de déplacement de deux heures ou plus pour atteindre ce type de service; en milieu rural, le temps médian de trajet est de trois heures. Par ailleurs, en ce qui concerne les principaux problèmes pour se soigner, le manque d'établissement sanitaire et le manque d'eau sont les deux problèmes qui ont été cités le plus fréquemment, cela quel que soit le milieu de résidence.